Exemples :
1 - S. Exc. Alexandre AVDEEV,
Ambassadeur de Russie en France
J'en veux pour preuve le coup de téléphone que j'ai reçu hier, d'une directrice d'école à Moscou, laquelle me demandait si elle pouvait emmener ses élèves à Paris en toute sécurité. Elle envisageait en effet d'ajourner son voyage, suite à la flambée de violence qu'ont connue certains quartiers de banlieue au cours des dernières semaines. Côté français, nous assistons à la même déformation de la réalité concernant la Russie. A en croire les médias français, la Russie se réduirait ainsi à un État totalitaire, violant allégrement les droits de l'homme et menant une guerre illicite en Tchétchénie ; notre pays n'aurait qui plus est pas opté pour la voie démocratique et la société civile ne s'y développerait pas suffisamment.
Ceci pour vous montrer que les journalistes contribuent incontestablement à créer des visions stéréotypées des pays qu'ils couvrent, ce qui peut se révéler dommageable, sur le long terme. Et si, au-delà de cette vision déformée de certains événements récents, les journalistes russes promeuvent généralement une image positive de la France, qu'ils voient comme un pays ami, ce n'est malheureusement pas le cas de la plupart des journalistes français, qui persistent et signent dans cette vision négative qu'ils développent de la Russie.
2 - Denys Pluvinage en Russie :
Je faisais à l'époque souvent la "navette" entre la Russie et la France. Dès le début, j'ai été frappé par le décalage entre l'image que les medias français donnaient de la situation en Russie et la réalité du terrain, telle que je la voyais tous les jours. Regarder les info sur TF1 (par exemple, mais toutes les chaînes avaient la même "vision") tenait pour moi de l'expérimentation surréaliste.
J'en ai parlé un jour au représentant local de la chaîne, Patrick Bourrat à l'époque. Comme il y avait très peu de Français à Moscou, le simple fait d'être de la même nationalité créait des liens qui ne se seraient peut-être pas noués d'eux-mêmes en France. Patrick prenait juste la succession d'Ulysse Gosset qui avait fait l'école de journalisme de Lille en même temps qu'un de mes amis. D'où la rencontre. Donc un soir où nous dînions à l'Olympe, je faisais la réflexion à Patrick.
Donc un soir où nous dînions à l'Olympe, je faisais la réflexion à Patrick.
- Pourquoi un tel décalage entre la réalité telle que nous la voyons tous les deux chaque jour et tes reportages sur la chaîne?
Il essaya, bien sûr, d'abord, de défendre les reportages :
- mais tout ce que je dis est vrai, les images sont réellement tournées, sans trucages,
- oui, mais tu ne t'arrêtes qu'à un aspect mineur des choses, et tes commentaires sont fragmentaires.
Il chercha à me démontrer que chaque reportage reposait sur quelque chose de réel et donc vrai. Mais il dû bien admettre que cette vérité n'était qu'une partie du tableau global et que cette partie était soigneusement choisie pour donner une impression générale particulière. Et le problème, pour moi, était que cette impression générale ne correspondait pas à la réalité.
La conversation roula toute la soirée sur ce thème et nous ne prêtâmes que peu d'attention aux danseuses sensées égayer notre repas. Ce n'est que vers la fin qu'il me donna cette explication :
- Tu sais, à Paris, j'ai un rédacteur en chef. Il a en tête une certaine image de la Russie avec des pointillés. Si mes reportages remplissent ces pointillés, ils passent à l'antenne. S'ils ne les remplissent pas, ils ne passent pas. Et si mes reportages ne passent pas à l'antenne, mon prochain poste sera au Botswana ou au Zimbabwe...
Apres Moscou, effectivement, Patrick est parti pour New York. Seul le malheur a voulu qu'on l'envoyât ensuite en Irak...
3 - Directeur du Centre culturel français de Moscou depuis 2005, Dominique Jambon ( extrait)
Comment qualifiez-vous la perception de la Russie par la France ?
Au niveau des medias, trop souvent caricaturale avec la reproduction d’une série de poncifs consternants. En fait, on a l’impression d’une méconnaissance profonde de la Russie d’aujourd’hui, de son évolution et de sa complexité. C’est une vision un peu paresseuse. Mais lorsque les relations arrivent à se tisser concrètement par les voyages, les échanges culturels, lorsque l’on se parle entre amis en dépassant les stéréotypes, la perception du pays se transforme, c’est un des buts de l’Année France –Russie et c’est notre travail quotidien ici en Russie.
4 - blogueur
Avec la Russie, c'est toujours pareil et je sens que ça va devenir une sorte de thème de ce blog. Quoiqu'il arrive, quelque soit le conflit dans lequel elle est engagée, c'est toujours elle qui a tort, est de mauvaise foi et doit rallier contre elle les nations civilisées. En tout cas c'est ainsi que la presse nous présente toute situation nouvelle.
Dernier exemple pris au hasard et parmi un véritable océan : un article du Figaro publié aujourd'hui sur la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine. Bien que l'article soit équilibré, il est annoncé par ce qu'on appelle dans le jargon un chapo disant : "l'Union européenne va envoyer des observateurs en Ukraine pour forcer la Russie a reprendre ses livraisons."
En réalité, ce que l'article ne dissimule pas d'ailleurs, c'est la Russie qui a réclamé ces observateurs pour donner du poids à ses affirmations sur le siphonnage par l'Ukraine des livraisons de gaz à l'Europe. Bien sûr, ce chapo est vraisemblablement du, non à l'auteur de l'article, correspondant en Russie, mais à un secrétaire de rédaction à Paris, voire un confrère de service étranger.
Mais si cela dédouane le correspondant, c'est aussi révélateur d'une position typique de la presse française qui conçoit que, dans le doute et sans info précise, on aura toujours raison en mettant les torts sur le dos de la Russie.
5 - Matreshka (72)
Inscrit Libé +Suivre cet internaute | Ici quelqu'un a ecrit avoir le froids dans le dos apres avoir lu un article sur la Russie dans le Monde. Je dois vous dire que j'ai presque toujours le froid dans le dos lisant tout ce qu'on ecrit sur la Russie dans des journaux francais. Je suis Russe et j'habite la Russie mais quand je lis tout ca je ne peux pas croire qu'il s'agit de mon pays, je ne le reconnais pas, comme si on parlait de quelque horrible monde virtuel. Mais ou est la liberte de presse ou la conscience des journalistes? J'avoue que nous avons beaucoup de problemes mais ce que je lis parfois frise la science fiction.
Autres exemples :
Le 5 mai 2012 sur le site du Figaro («Poutine fait un pas vers les Etats-Unis») Figaro a Totalement faux 1 - S'est une initiative des USA et 2 - de plus Poutine a refusé de rencontrer Obama en tête a tête comme l'atteste le site dedefensa.org. Une caractéristique du figaro sont ses titres a l'emporte pièce. Source dedefensa.org
Certains éléments sont apparus, qui permettent de lier cette rencontre à la décision de Poutine de ne pas participer au G8, et donc de ne pas rencontrer Obama en tête-à-tête, comme cela était prévu (rencontre reportée “en marge” du G20, les 18-19 juin au Mexique). Nous allons tenter d’explorer les circonstances de la rencontre, autant que ses liens avec la décision de Poutine.
• La rencontre a été très discrètement annoncée, une fois qu’elle ait eu lieu, par des textes très brefs et sans aucune indication précise. Reuters fut le principal relais de la nouvelle hors de Russie, à partir d’Interfax. Il s’agissait d’une présentation assez vague couvrant l’appréciation d’une relance des relations USA-Russie avec le retour à la présidence de Poutine. Il était indiqué que Donilon avait remis à Poutine, de la part d’Obama, «un document de plusieurs pages et très détaillé, dont l'idée centrale est que Barack Obama est disposé à coopérer avec Vladimir Poutine pour faire avancer le processus de mise en place d'un partenariat entre les Etats-Unis et la Russie». Ce point, confirmé depuis, ainsi que l’orientation de la visite (Donilon venant en Russie), indiquent que c’est Obama qui a pris l’initiative de la rencontre, comme il avait pris celle de proposer un sommet en tête-à-tête “en marge” du G8, les 18-19 mai. On trouve cette rencontre Poutine-Donilon du 4 mai présentée très succinctement, avec une orientation différente selon la source, qu’on devinera aisément dans les deux cas cités : le 5 mai 2012 sur le site du Figaro («Poutine fait un pas vers les Etats-Unis») ; le même 05 mai 2012, sur le site de l’agence iranienne IRIB («Poutine pose des conditions au développement des relations avec les Etats-Unis»).
|