La Russie

Un pays aux milles visages

   
   
 
 
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 Les Russes vivants en dehors de la Russie 2 ( diaspora*) :

Témoignage de russes et d'habitants des états baltes :



Ernesta et Ieva : ( Lituanie)

Ernesta et Ieva

Ernesta et Ieva sont installées à Bordeaux depuis cinq mois. Étudiantes de 22 et 23 ans, elles racontent à travers leur pays, la Lituanie, leur vision du voisin estonien.

Ernesta, la plus jeune, est grande et élancée. Énergique, elle s’exprime avec passion dans un très bon français. Ieva, calme et posée, intervient de façon plus discrète, en appoint ou en pondération. « Si une certaine solidarité balte nous lie à l’Estonie, nous sommes beaucoup plus proches des Lettons. » Dans un grand sourire, Ernesta poursuit : « On fait sur les Estoniens les mêmes blagues que vous faîtes sur les Belges. Des plaisanteries sans méchanceté sur leur lenteur… » Originaire de la ville de Pasvalys à la frontière lettone, au nord-est du pays, Ernesta a appris le russe à l’école. « A l’époque, le choix des langues était restreint. J’ai choisi d’abord le français et ensuite le russe. »

Utilité de parler russe.
Leva elle, est originaire de la capitale, Vilnius. Elle habitait Naujamiestis, un quartier mitoyen du quartier russophone, Krasnucha. « Le russe, je l’ai appris à 6 ou 7 ans en jouant dans la rue avec des enfants. » Les deux jeunes femmes se retrouvent quant à l’utilité de parler russe. Pour Ernesta, fière de le maîtriser, il sert d’esperanto pour les pays baltes, même si l’anglais gagne du terrain. « J’ai rencontré trois estoniennes l’année dernière en boîte à Vilnius. On a parlé russe ensemble. » Mais si Ernesta trouve parfois utile de le parler, elle supporte difficilement qu’il soit utilisé de manière courante en Lituanie : « Lorsqu’on s’adresse à moi en russe dans les transports en Lituanie, cela m’agace et je réponds en lituanien. » S’animant, elle dit le ressentir comme un signe d’irrespect : « Certains russophones se sentent comme chez eux mais ils doivent parler la langue du pays où ils vivent. » Tout en réalisant le même constat, Ieva tempère quelque peu ces propos : « Je pense qu’ils sont aussi chez eux. Ce sont leurs parents qui se sont installés en Lituanie. On ne doit pas les culpabiliser. »

Si Ernesta n’est jamais allé en Estonie, Ieva a séjourné quelques jours à Tallinn en 2007. « Je trouve le pays assez froid, même au niveau architectural. Peut-être parce que les Estoniens sont plus proches des Finlandais au niveau culturel et historique. » Au vu des événements de la statue du soldat de bronze de Tallinn en avril 2007, les deux lituaniennes admettent se sentir soulager que la Lituanie compte beaucoup moins de russophone que l’Estonie.

Lorsqu’on leur demande de qualifier les relations entre les lituanophones et les russophones, elles les trouvent « mauvaises, surtout au niveau des jeunes », sans réussir à l’expliquer. C’est Ernesta qui illustre innocemment l’incompréhension et la tension entre les deux parties : « J’ai été étonné récemment de découvrir que nous avions en Lituanie une plus grande minorité polonaise que russe. On ne m’a jamais parlé polonais dans la rue… »

 Oxana : ( Russe d'Estonie)

Depuis six ans en France, Oxana, jeune femme russe de 29 ans, est étudiante en psychologie à Bordeaux. Née au Tartastan, République de la Fédération de Russie à l’origine ethnique diverse, elle exprime sa vision de la minorité russophone d’Estonie.



Oxana

« L’Estonie, ce n’est plus l’URSS. Le gouvernement estonien exagère un peu mais les Russes doivent faire des efforts. Parler la langue du pays où l’on vit, c’est obligatoire. » Selon Oxana, garder ses traditions ne doit pas masquer un manque de volonté d’intégration. « En France, je célèbre les fêtes russes avec mes compatriotes tout en essayant de m’intégrer », exprime-t-elle dans un français parfait. La jeune femme ne s’est jamais rendue en Estonie. Elle s’informe donc grâce aux médias russes et français. « Les médias russes sont partisans et défendent les intérêts des russophones. Je pense que les médias français ou européens sont plus du côté estonien, peut-être à cause de l’entrée du pays dans l’Union européenne. » Sur l’événement de la statue de bronze du soldat inconnu, qui a provoqué des heurts entre les autorités estoniennes et les russophones en 2007, Oxana a perçu une nette différence de traitement : « Les images étaient les mêmes mais les commentaires ne se ressemblaient en rien. Les chaînes russes exprimaient des opinions, les chaînes françaises donnaient juste l’information. »

La politique russe : sujet de discorde familiale.
En deux ans, Oxana n’est rentrée en Russie qu’une semaine , en janvier dernier. Elle admet que la vie en France a modifié son point de vue : « Je me dispute souvent avec mes parents à propos de la politique russe, de Poutine. C’est bien que la Russie se relève mais elle doit être forte sans avoir recours à la violence. » Selon elle, les problèmes entre la Russie et les ex-républiques soviétiques se situent au niveau des gouvernements, pas au niveau des peuples. « Mes parents sont allés récemment à Riga en Lettonie et ils ont été très bien accueillis malgré leur crainte. »

Dans un sourire conciliant, Oxana conclut : « Chez moi au Tatarstan, entre les Tatars et les Russes, tout se passe bien. En Estonie, il faut s’en inspirer et faire des efforts des deux côtés. »

 

 Alexander, ( Russophone de Lettonie ) :

Alexander, Letton de 22 ans, habite en Allemagne depuis huit ans avec sa famille. Étudiant en gestion pour une année Erasmus à Bordeaux, il évoque son identité particulière de russophone de Lettonie.

Alexander

« Par ma grand-mère maternelle, je descends d’une minorité russe qui vit depuis trois siècles ici. Une sorte de minorité dans la minorité puisque mes ancêtres faisaient partie d’une branche particulière de l’orthodoxie », déclare le jeune homme. Il poursuit : « La question de mon identité est compliquée. Culturellement, je me sens russe. Mais je n’ai pas de liens directs avec ce pays, je n’y suis jamais allé. » Après avoir évoqué son identité complexe de russophone de Lettonie, Alexander nous parle de l’Estonie et compare la situation des russes dans les deux pays voisins.

« Je pense qu’en Lettonie la cohabitation avec la communauté russe est moins difficile qu’en Estonie. Nous n’avons pas de conflits ouverts, même si les deux parties vivent plus ou moins à l’écart. » Alexander est issu d’une génération de russophone qui a commencé à étudier en letton, qui travaille et établit des liens avec le reste de la population.

Malgré cela, la séparation perdure. « Même si leur nombre diminue, il y toujours des écoles publiques russophones à côté des écoles en langue lettone. Cela ne favorise pas le mélange. » Pour expliquer que la tension soit moins forte en Lettonie, Alexander a une explication toute personnelle : « La réputation des Estoniens est d’être plus dogmatiques dans tout ce qu’ils font. Par exemple, dans l’affaire du soldat de bronze, ils sont allés jusqu’au bout, jusqu’à l’affrontement. »

Le jeune Letton pense que la crise n’aurait pas été possible dans son pays : « Au dernier moment, on aurait freiné et discuté. » Il reconnaît le rôle prépondérant de la Russie : « Sans le soutien russe, l’escalade aurait été moins forte, j’en suis persuadé. » L’Union européenne, « totalement inactive » sur la question des russophones des pays baltes, en prend également pour son grade.

Alexander se montre assez pessimiste quant à une amélioration rapide de la situation. L’étudiant pointe l’absence de volonté politique. « Il est un peu tard pour améliorer la situation. Il aurait fallu par exemple introduire le russe en seconde langue dans certaines régions russophones. » Un dernier élément illustre une certaine incompréhension entre les deux communautés. « Après l’indépendance, on a lettonisé mon prénom et mon nom pour des raisons de respect de l’orthographe letton. Peut-être que l’on aurait pu faire une exception et garder les noms russes intacts. »

 

 

 Alexander Grabelnikov : ( Russie)

Le professeur Alexander Grabelnikov enseigne la presse écrite à l’Université de l’amitié entre les peuples à Moscou. A l’occasion d’un séjour à Bordeaux pour nouer un partenariat avec notre école, l’IJBA, il nous parle des relations entre l’Estonie et la Russie. Un point de vue musclé…

Alexander Grabelnikov

Plus de quinze ans après l’indépendance de l’Estonie, comment appréhendez-vous l’attitude de ce pays envers sa communauté russe ?
Au moment du démantèlement de l’URSS, chaque république avait le choix. Les pays baltes ont été les premiers à déclarer leur indépendance. Chacune de ses républiques a dû alors gérer l’attitude qu’elle voulait adopter envers sa minorité russe. Au Kazakhstan par exemple, le russe est devenu la deuxième langue officielle. En Ukraine au contraire, malgré les 12 millions de russophones, le président Viktor Iouchtchenko ne veut pas reconnaître le russe comme langue officielle (Elle n’a que le statut de langue minoritaire).
En Estonie, le problème est plus large que celui de la langue. De nombreuses personnes ne sont ni russe, ni estonienne, ne possèdent pas de passeport estonien et n’ont pas le droit de vote.

Les relations tendues entre l’Etat estonien et la communauté russe se sont cristallisées lors de l’épisode du soldat de bronze en avril 2007. Quelle analyse faîtes-vous de cet épisode ?
Cette statue n’était pas le problème. Il fallait trouver un moyen pour mettre la Russie à genoux. C’est une vengeance. L’Estonie agit sur ordre des Etats-Unis. Mais contrairement à l’exemple récent du conflit entre la Russie et la Géorgie, l’Estonie a été assez intelligente pour ne pas aller jusqu’à ce point de non retour.
L’Union européenne a-t-elle un rôle à jouer pour apaiser les tensions diplomatiques entre les deux parties ?
Avant d’accepter l’adhésion de l’Estonie, l’UE avait imposé des recommandations pour améliorer la situation de la communauté russe. Cela n’a pas été respecté par l’Etat estonien. Je trouve que l’Union est relativement inactive par rapport à ces promesses non tenues. La Russie ne fait également de son côté pas assez pour aider les populations russes disséminées dans les républiques de l’ex-URSS. Le peuple russe est solidaire et triste de ne pas pouvoir faire plus pour aider les russes d’Estonie.

 

 

 

 
 
 
 

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