La Russie

Un pays aux milles visages

   
   
 
 

 L'agriculture en Russie :

En février 1914, la coopérative Sibirskoie Maslo ( beurre de Sibérie) ouvre son premier bureau commercial à Londres. Depuis quelques années déjà, le beurre sibérien produit par des coopératives paysannes entreprenantes de la région de Tomsk concurrence avec succès le beurre scandinave sur le marché anglais. La Russie exporte aussi une partie non négligeable de sa production céréalière, une douzaine de millions de tonnes par an, soit un sixième d'une production moyenne de 70 millions de tonnes. Soixante-dix an plus tard, en 1984 l'URSS importe près de 40 millions de tonnes de blé nord-américain. Collectivisation forcée, famine, le régime soviétique a ruiné une agriculture russe prometteuse, un désastre dont le pays ne s'est pas encore totalement remis.

Selon un rapport de l'USDA, le département américain de l'agriculture publié au mois de mai, les pays du pourtour de la mer Noire devraient devenir la première région exportatrice de céréales en 2018. Les investisseurs y croient.

Un géant agricole est en germe à l'Est de l'Europe. Là-bas, les exploitations font entre 5000 et 10 000 hectares. Pas surprenant si les Lybiens, désireux de sécuriser leurs approvisionnements alimentaires, ont choisi d'y investir eux aussi. Selon un rapport de l'USDA, le département américain de l'agriculture publié au mois de mai, les pays du pourtour de la mer Noire devraient devenir la première région exportatrice de céréales en 2018. Les investisseurs y croient. Agrogénération a réussi à boucler son augmentation de capital alors que les bourses doutaient. Elle espérait cinq millions d'euros, elle en a récolté quinze.

 

 Des contraintes et des atouts :

Des contraintes climatiques :

Le milieu russe n’est pas très favorable à l’activité agricole, qui doit y affronter de nombreux aléas. Sur l’essentiel du pays, l’hiver russe ne dure pas moins de cinq mois (de température moyenne négative). Les fortes gelées précoces et tardives qui l’encadrent imposent au total une stabulation moyenne de sept mois à l’élevage. L’intensité des pointes de froid interdit les semailles d’automne sur plus de la moitié du pays et les cultures de printemps sont partout entravées par la "raspoutitsa" qui retarde l’accès aux champs. Toute la partie fertile du pays (les tchernoziums) est sujette quant à elle à des vagues de sécheresse redoutables qui sont les principales responsables des variations de la production céréalière.
Enfin, si l'agriculture russe reste exposée à une forte variabilité des récoltes, en raison des variations de la pluviométrie et de la brutalité des coups de chaleur inhérente au climat continental, ces inconvénients pourraient être aisément corrigés par des investissements adaptés, notamment en matière d'irrigation.

Des contraintes démographiques :

La Russie est un pays où la densité en population est assez faible, 8,4 hab./km²( 110 hab./km² pour la France), C'est un handicap car seul un milieu social appuyé sur un réseau de bourgs et de petites villes actives permettra le redémarrage d'une économie agricole performante. L'immensité russe est aussi un inconvénient en terme de transport.

La vie dans le village russe, isolé surtout au printemps, mais aussi en hiver, reste par ailleurs difficile. Elle est presque impossible sans un minimum d’entraide. Les villageois ont besoin de matériel pour labourer, semer, récolter et celui-ci n’est disponible que dans l’entreprise collective. Rentrer les fourrages et le bois nécessaire à l’hiver requiert aussi le matériel de la collectivité et, plus encore, l’assistance des voisins. Il en va de même pour la construction et les grosses réparations des isbas. Sans cette entraide la survie est impossible en cas d’incapacité temporaire. Les pratiques collectives étaient une nécessité dans la Russie d'autrefois. Elles restent nécessaires en raison du sous-équipement des campagnes héritées de la période soviétique.

Un pays immense et une terre fertile :

Les terres labourables représentent 7,7% du territoire, soit tout de même 1,3 millions de km². (A titre de comparaison 33,6% des terres en France sont labourables, soit : 292 800 km²).

des surfaces considérables

Les régions les plus riches ont historiquement été la région des terres-Noires connues aujourd'hui sous le nom de région économique de Tchernozem et la région de la Volga, bien que d'autre régions comme la Sibérie du sud-ouest aient pu être intégrées au cours du XIX° et du XX° siècle. La zone autour de la mer noire est aussi appelé l'arc céréalier de la mer noire. Les zones desservies constituent des bassins de production à haut potentiel, formés des grandes plaines de tchernozium (étymologiquement terres noires) de l’Ukraine centrale, du bassin de la Volga, du Kouban (Nord Caucase), de l’Altaï et du croissant céréalier du nord du Kazakhstan. Le pays est doté de 40% du tchernozioms mondial, ces terres noires très grasses et très fertiles.

La plus grande partie des terres agricoles du pays se trouvent dans ce que l’on appelle le Triangle fertile. Celui-ci s’étend en Russie occidentale, depuis la mer Baltique au nord jusqu’à la plaine nord-caucasienne au sud, et se prolonge vers l’est, au sud de l’Oural, sur la frange méridionale de la Sibérie occidentale, en une mince bande de 400 km de large. Elle correspond à la zone de climat continental tempéré. La steppe à graminées, aux sols de tchernoziom, constitue la zone agricole la plus riche de Russie (bassins du Don, de la Volga et du Kouban, sud de la Sibérie occidentale). À l’est de l’Altaï, des terres sont cultivées dans des bassins intra-montagneux isolés, le long de la bordure méridionale de la Sibérie et dans la région extrême-orientale. Au cours de la période soviétique, de grands travaux d’irrigation furent entrepris, notamment le long du Kouban et du Don, dans le sud de la Russie d’Europe, pour y développer l’agriculture.

 Des rendements qui ne demandent qu’à grimper :

Autre atout, leur potentiel de progrès sur le plan technique. Les rendements ukrainiens moyens seraient de 26,5 q/ha en blé et 35,3 q/ha en maïs pour la récolte 2007. Des chiffres à comparer à ceux de l’Europe à 27, qui devrait produire en moyenne en 2007 57 q/ha en blé et 68 q/ha en maïs. En Russie, les rendements moyens sont encore plus faibles qu’en Ukraine. De 15,6 q/ha en blé en 2000, ils pourraient atteindre 21 q/ha en 2010. Une meilleure réflexion sur les intrants pourrait permettre d’améliorer ces chiffres. Le rendement moyen des céréales russes était en 1990 de 18,8 q/ha pour 81 kg d’engrais apporté à l’hectare. Or en 2006, les exploitants n’épandaient plus que 31 kg/ha d’engrais pour une productivité identique.

Un potentiel qui inquiète l'Europe :

Les céréaliers européens se souviennent non sans frémir de 2001. Cette année-là, l’Union européenne s’est véritablement rendu compte du potentiel agricole des pays de la mer Noire. Avec une récolte de blé de 80,6 Mt dont 13,9 Mt exportées, cette nouvelle concurrence avait de quoi inquiéter les producteurs des Quinze. Bruxelles a rapidement mis en œuvre des quotas d’importation pour limiter les ravages de ces céréales peu chères sur le marché intra-européen. Ce qui n’a pas empêché la zone de poursuivre son développement en partant à la conquête de nouveaux clients. Six ans après, les pays de la mer Noire produisent plus, mieux et vendent avec davantage de profit. En juillet 2001, par exemple, une tonne de blé ukrainien destiné à l’alimentation animale valait 80 dollars... Contre 170 dollars début 2007! La donne a changé: porté par la demande en biocarburants et par des besoins alimentaires toujours croissants, le marché mondial des matières premières agricoles s’est tendu. Même l’Europe, guidée par ses propres besoins en biocarburants, n’affiche plus la même volonté exportatrice.

Des entreprises européennes ont mesuré les enjeux et compris qu’il n’y aura aucun moyen d’empêcher la croissance des exportations d’origine mer Noire. Elles mettent donc en place des stratégies pour participer à cette croissance en incorporant dans leur périmètre d’activité des filiales en Ukraine, au Kazakhstan ou en Russie. Mais leur engagement ne réussit pas à mobiliser les responsables professionnels qui semblent ne pas avoir pris conscience de l’importance que la zone mer Noire retrouve et amplifie. Surtout préoccupée par son approvisionnement en gaz, l’Union européenne n’avait pas su saisir l’occasion de la crise de 1998 pour remettre en cause l’accord de Blair House et trouver un accord avec les principaux pays agricoles de la CEI afin de développer une production alter- native de protéines végétales - dont elle est largement déficitaire - en valorisant les potentialités pour le soja et le pois fourrager... Aujourd’hui encore, elle n’a pas inclus de volet agricole dans la nouvelle politique de voisinage qu’elle propose aux pays de la CEI.

 Le renouveau :

L'agriculture avait été abandonnée par le gouvernement à la suite de la chute de l'URSS. L'effondrement de la production était telle que le pays a du obtenir une aide alimentaire de l'Union européenne fin 1998.

L'importation de matériel occidentale a permis d'augmenter la production

En 2005 la prise de conscience s'opère. Vladimir Poutine fait de l'agriculture un pilier du développement de son pays. Deux ans plus tard, il lance un plan quinquennal basé sur des crédits aux fermiers, et doté de 551 milliards de roubles (13,7 milliards d'euros). Les oligarques sont appelés à contribution. Vladimir Potanine, cofondateur du géant Norilsk Nickel, est l'un d'entre eux.

Le successeur de Vladimir Poutine, poursuit sur cette lancée. Lors d'un forum à Saint-Pétersbourg le 5 juin 2009, Dmitri Medvedev a replacé le blé «au centre de la vie». «En mettant en œuvre des méthodes intensives dans l'agriculture, en en utilisant les bonnes techniques de culture du blé et en portant le rendement à 24 quintaux à l'hectare, nous pouvons produire 112 à 115 millions de tonnes de blé par an. Et jusqu'à 133 à 136 millions de tonne en mettant en exploitation des surfaces cultivables supplémentaires», a-t-il expliqué. La Russie devrait produire, sur la campagne 2009-2010, près de 61,700 millions de tonnes contre 60,314 millions pour les Etats-Unis. L'écart est léger mais assez significatif pour donner une dimension historique à l'événement.

Puissance exportatrice :
Pour les analystes du marché du blé, ces objectifs ne surprennent pas. «La Russie est déjà le quatrième plus gros producteur. En 2010, le pays devrait être le troisième exportateur, tout juste derrière l'UE», prévoit Nicolas Fragneau gérant d'Amundi Funds Global Agriculture. Actuellement, l'Union européenne occupe la première place sur le podium des producteurs (138,143 millions de tonnes) devant la Chine (114,500) et l'Inde (80,680).

Gros producteur, la Russie souffre encore d'une position moins affirmée à l'exportation. Mais le gouvernement russe est à l'oeuvre pour y remédier. «La Russie construit des ports, des silos pour stocker. Elle est en train de régler tous ses problèmes d'infrastructures. Déjà, depuis le 1er juillet 2009, début de l'actuelle campagne, ses exportations atteignent 12 millions de tonne», constate Michel Portier, gérant d'Agritel. Ces investissements sont évalués par le gouvernement russe à une fourchette de 50 à 100 millions de dollars d'ici 2011.

La concurrence s'aiguise :
Les Etats-Unis et l'UE voient d'un œil peu rassurant le développement de la Russie sur le marché. Le pays de Dimitri Medvedev leur grignote déjà du terrain dans leurs chasses gardées naturelles, notamment l'Egypte, premier importateur au monde de blé. «La Russie a remporté l'essentiel du marché avec 420.000 tonnes vendues depuis notre précédent état des lieux», constatait amèrement FranceAgrimer dans son rapport mensuel de février dernier. Le marché asiatique est aussi ciblé par la Russie avec pour objectif la construction d' «un couloir oriental de développement».

cependant :

La hausse des exportations de céréales se heurte au fait que l'infrastructure russe s'approche actuellement de sa capacité maximale: elle ne permet que de transborder 25 millions de tonnes de céréales par an, indique Nikolaï Demianov, directeur général adjoint de la Compagnie internationale de céréales (filiale russe de Glencore). De plus, le prix du transbordement de céréales se chiffre à 22-23 dollars la tonne en Russie (FOB Novorossiïsk), 16-17 dollars la tonne dans des ports ukrainiens et seulement 5-6 dollars dans l'Union européenne. La croissance ultérieure des exportations est donc impossible sans un élargissement et une modernisation de l'infrastructure russe, résume M. Demianov.De plus les récentes sécheresse qui ont frappée la Russie ( et également les USA , Europe et chine ) ont tempéré les pronostics et planification a long terme, il n'en demeure pas moins qu'avec une population mondiale en constante augmentation les céréales de la mer noir ne seront pas de trop.

 

 

 
 
 
 

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